L’Union africaine que nous voulons ! (LIBRE OPINION)

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Par Gilles Eric Foadey*

Ce lundi 30 janvier 2017 s’ouvrira à Addis-Ababa en Ethiopie, le 28ème Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine.

D’aucuns estimeront que de ce rassemblement biannuel des chefs qui nous dirigent, le plus souvent, sans notre totale adhésion de citoyens, rien d’important ne viendra perturber la donne pour un continent malade de ses nombreux défis. Ses nombreux maux identifiés, qu’aucune thérapie de choc ne viendrait soigner tellement la volonté politique fait défaut…

Les temps forts de ce sommet consisteront à l’élection du nouveau président de la Commission de l’UA, et de ses différents commissaires, à la réintégration du Maroc et, surtout à l’approbation de la nouvelle architecture institutionnelle de l’organisation.

En effet, le dernier sommet de l’Union africaine, tenu à Kigali en juillet 2016, s’est voulu pragmatique à l’image de son hôte le Président Paul Kagamé. Pour l’essentiel, il a retenu dans ses conclusions que l’Union dans son mode opératoire actuel n’est pas suffisamment outillée pour transformer le continent. Un continent si riche en ressources mais dont la majorité de la population vit toujours dans une pauvreté abjecte.

L’Union africaine, qui a pris le relais de l’Organisation de l’unité africaine(OUA) il y a près d’une décennie, n’est toujours pas parvenue à faire sa mue pour prendre les destinées du Continent en main. L’immense majorité des Africains la perçoit comme une institution bureaucratique et budgétivore qui ne peut se prendre totalement en charge et dont la survie dépend …de partenaires extérieurs.

C’est ainsi que pour 2017, son budget prévisionnel s’élèvera à 781.606 dollars US. Sur ce montant, 493.075,789 dollars seront alloués au budget de fonctionnement, soit 63% du budget et 288. 530,333 dollars au budget dédié aux différents programmes, soit 37%.

La contribution des États membres à ce budget devrait s’élever à 212. 018,886 dollars (27% du budget) alors que le solde de 569.587,236 dollars (63% du budget) viendra des… partenaires au développement.

Avec cet anachronisme criard consistant à financer le développement du Continent, non pas avec nos ressources propres mais, avec des ressources en provenance de partenaires au développement, il va de soi que les citoyens africains que nous sommes n’aurons pas de sitôt «l’Union africaine que nous voulons»

Il faudrait rappeler que ce budget a été préparé avec pour objectif de consolider les acquis en vue de réaliser les aspirations contenues dans l’Agenda 2063 autour, entre autres, des thématiques suivantes:
a) Bonne gouvernance et promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité ;
b) Élargissement de la production agricole et de la productivité en vue de la sécurité alimentaire et nutritionnelle ;
c) Promotion du développement économique inclusif et de l’industrialisation ;
d) Renforcement de l’intégration et du développement du marché régional et continental;
e) Mise en œuvre des stratégies de mobilisation des ressources.

C’est fort de tout cela, certainement, que les chefs d’Etat et de gouvernement réunis en juillet 2016 au pays des Mille Collines, ont pris de la hauteur, en demandant au Président Kagamé d’apporter des remèdes idoines aux maux, déjà diagnostiqués, qui plombent le développement de l’Afrique.

Ce dernier a vite fait de constituer un panel qui devrait proposer des solutions aux chefs d’Etat et de gouvernement.

Le panel dirigé par Carlos Lopes, ancien Secrétaire exécutif de la CEA, bénéficie d’un préjugé favorable et, réunit des personnalités aux compétences et expériences avérées qui devraient, sans nul doute, présenter des solutions allant dans le sens d’un changement de paradigme pour la transformation socioéconomique du Continent.

Dans l’attente de la validation des propositions du panel et en direction du 28ème Sommet qui se tiendra fin janvier à Addis-Abeba en Ethiopie, les citoyens africains voudraient d’une Union africaine qui rende des comptes et qui soit plus efficace pour apporter des solutions africaines aux problèmes africains.

Pour ce faire, au niveau organisationnel, on pourrait suggérer que l’élection du président de la Commission se fasse sur une base régionale avec un président élu pour un mandat de cinq (05) ans non renouvelable. Il appartiendra ainsi aux Communautés économiques régionales, sur une base rotative, de s’entendre sur un candidat régional et le porter à la tête de la Commission. Ceci permettrait d’éviter les blocages et les querelles puériles d’opposition linguistiques auxquelles nous sommes habitués.

Il serait de bonne augure de fusionner les commissions Paix et Sécurité et Affaires politiques de même que les commissions Commerce et Industrie et Affaires Economiques. Ce faisant, on aura 6 commissions au lieu de huit.

La nouvelle commission Paix, sécurité et Affaires politiques serait ainsi la locomotive de l’Union qui devrait décider des cadres politiques pendant que le reste des commissions (05) fédérées sous la bannière du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) aura pour tâche de mettre en œuvre les programmes de développement et de transformation du Continent.

Pourquoi le NEPAD? Parce qu’à sa création il a suscité de grands espoirs quant à son approche holistique dans la mise en place de cadres programmatiques de développement.

La Décision (Assembly/AU/Dec.17(XIV) intégrant le NEPAD dans les structures et processus de l’UA transformait le Secrétariat d’alors du NEPAD en Agence de planification et de coordination du NEPAD (APCN) qui, de facto, devenait un organe technique de l’UA en charge de la facilitation et de la coordination de la mise en œuvre de ses programmes et projets de l’UA.

En prenant cette décision, les chefs d’Etat corrigeaient ainsi un avatar en mettant fin aux doublons existants entre la commission de l’UA et le NEPAD.

Il faudrait souligner, pour le regretter, que le NEPAD et l’UA sont toujours en concurrence quant à la paternité des projets et de leur mise en œuvre. Sinon comment expliquer l’apparition soudaine du Programme dénommé Agenda 2063 qui n’est rien d’autres que le programme bonifié du NEPAD originel?

La nouvelle Union devrait s’en tenir à la lettre et à l’esprit de la décision intégrant le NEPAD dans les structures de l’UA pour faire de l’Agence de Planification et de développement du NEPAD l’organe exécutif des programmes de développement de l’UA en termes, entre autres, de développement d’infrastructures, de production agricole, d’industrialisation, de renforcement de l’intégration et de stratégies de mobilisation de ressources.

In fine, la nouvelle structuration de la Commission de l’UA se bâtirait autour de deux(02) piliers que seront :
• La Commission Paix, Sécurité et Affaires politiques, et;
• L’Agence de planification et de Coordination du NEPAD qui supervisera toutes les autres commissions en charge du développement et de la transformation du Continent.

Dans cette nouvelle architecture, les Communautés économiques régionales (CER) doivent véritablement jouer leur rôle de « building block », de pilier de la Commission de l’UA sans être en compétition permanente avec elle.

Le thème de ce Sommet de rupture (?), «Exploiter les dividendes démographiques par un investissement dans la jeunesse ». Cette jeunesse majoritaire déjà arrimée dans la société de l’information a besoin de voir ses capacités renforcées pour un ancrage définitif dans la mondialisation. Elle ne va pas attendre….2063. La transformation de l’Afrique c’est maintenant.

Cette jeunesse, à l’instar de la majorité des citoyens du Continent veulent une autre Union africaine. Une Union africaine qui remplira enfin sa vision d’un continent intégré, prospère et en paix avec elle-même.

Gilles Eric FOADEY est Consultant Media, Interprète et Traducteur de Conférences basé à Johannesburg
 

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