Monnaie unique de la Cedeao : le manque de leadership, principal obstacle au projet (économiste)

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Ouestafnews – Demba Moussa Dembélé est formel : la création d’une monnaie unique en Afrique de l’ouest n’est pas encore possible à cause du « manque de leadership » des dirigeants, plus particulièrement ceux de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa).

« Nous avons un vrai problème de leadership, et nous pouvons nous débarrasser du Franc FCFA qu’avec un nouveau type de leaders, soucieux de l’avenir de nos pays », a-t-il indiqué dans un entretien accordé à Ouestafnews.

Début juin 2017 à l’issue de sa 78ème réunion ordinaire, le Conseil des ministres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), tenu à Monrovia, avait une nouvelle fois dans son agenda le projet de « monnaie unique ».

A cette occasion, le président de la Commission de la Cedeao, Marcel de Souza, a notamment estimé dans un communiqué qu’il était impossible d’instaurer une monnaie communautaire « avant 5 ou 10 ans ».

Des propos qu’il a réaffirmés le 14 août 2017 au cours d’une visite officielle à Niamey au Niger. Un nouvel ajournement donc qui a poussé beaucoup de médias à relever dans leurs analyses que le projet est remis aux calendes grecques .

Selon M. Dembélé, le problème du Franc CFA ainsi que l’alternative de la monnaie unique constitue une question « purement politique et non technique ».

L’Uemoa : facteur bloquant

« La soi-disante technicité n’est qu’un bluff pour ne pas agir, nos dirigeants n’ont pas le courage de rompre le cordon ombilical avec la France », relève Demba Moussa Dembélé.

Pour M. Dembélé qui est aussi une des figures marquantes du mouvement altermondialiste, la concrétisation de ce projet est loin d’être une réalité.

Le blocage à son avis se situe principalement au niveau de l’Uemoa (8 pays) qui est un « pré-carré » de la France qui y exerce une influence politique et économique considérable.

« Les dirigeants de l’Uemoa trainent les pieds, et ce sont eux qui retardent l’avènement de la monnaie unique et d’ailleurs, au fond, ils n’en veulent pas parce qu’ils veulent rester attachés à la France », estime-t-il.

« Les entreprises françaises présentes chez nous sont beaucoup plus à l’aise que chez elles, car elles ont une monnaie à parité fixe, il n’y a aucun risque de change et elles peuvent rapatrier la totalité de leur bénéfices, c’est seulement dans nos pays qu’elles peuvent avoir cela », souligne M. Dembélé.

Mais de son côté la Cedeao avance, les « critères de convergence économique », pas encore remplis par les 15 pays de l’organisation pour expliquer le nouveau retard dans la mise en place de la monnaie unique ouest africaine. Cet argument est battu en brèche par M. Dembélé.

« Si un certain nombre de pays qui comptent pour 60% de l’économie de la Cedeao ont le même niveau de convergence, on peut aller à la monnaie unique », note-t-il ajoutant au passage que « le critère de convergence optimal n’existe pas, c’est juste un prétexte par ce que les dirigeants ont peur de rompre avec la France ».

Projet sans cesse ajourné

L’idée d’une intégration monétaire dans l’espace Cedeao remonte aux années 1980, mais la volonté d’inscrire cette visée dans une phase active remonte à l’année 2000.

L’approche de la Cedeao était d’y aller en deux étapes : tout d’abord les pays non-membres de l’Uemoa devaient lancer la monnaie unique dénommée Eco. Ensuite dans un second temps, les pays membres de l’Uemoa devaient fusionner pour qu’on en arrive à la monnaie unique en 2020 dans l’ensemble des quinze pays.

Après moult reports, 2003, 2005 et 2009, le lancement de l’Eco pour 2015 a été abandonné en juillet 2014. Là encore la principale cause annoncée est le niveau insuffisant de convergence économique.

Par la suite en 2015, la Cedeao prenant une nouvelle tournure annonçait le lancement intégral de la monnaie unique en 2020. Rendez-vous manqué de nouveau, et ce à l’heure où bruissent de tenaces rumeurs d’une « seconde » dévaluation du Franc CFA.

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