Protocole de Maputo sur l’agriculture : du vent ?

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Une décennie plus tard le bilan est plutôt négatif selon des responsables d’ONG qui tiraient à Dakar le bilan de ce protocole.

« Je pense qu’il y a une mauvaise volonté politique », a déclaré à Ouestafnews Mamadou Alassane Ba, coordinateur pour l’Afrique de l’ouest de l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en savane (Apess).

« Un grand pays comme le Nigeria qui peut être le moteur économique de toute l’Afrique, n’est même pas à 5 %, on le situe au niveau de 2 %, ce n’est pas une question de moyens, mais de volonté », a-t-il ajouté.

Pour Eric Hazard, directeur de campagne au bureau Afrique de l’ouest de l’ONG Oxfam le constat est aujourd’hui « amer ».

« Si dans des pays où 60 % de la population dépend de l’agriculture on n’arrive pas mobiliser au minimum 10 % du budget national pour ce secteur on peut dire que cela pose problème en termes d’équité et de justice », a-t-il soutenu.

Sur les 53 pays qui ont signé ce protocole, seuls sept ont tenu leur engagement dont cinq pays ouest africains, le Burkina Faso, la Guinée, le Mali, le Niger, et le Sénégal qui ont dépassé la barre symbolique des 10%, en plus du Malawi et de l’Ethiopie.

Face à l’insécurité alimentaire qui menace plusieurs pays africains, l’engagement volontaire des chefs d’Etats à Maputo avait été salué par les observateurs et les organisations paysannes qui y voyaient enfin l’inscription de la question agricole au cœur des préoccupations et de l’agenda des pays africains.

Entre temps le continent a connu les émeutes de la faim qui ont causé la mort de plusieurs personnes en 2008, sans compter les crises alimentaires récurrentes notées dans des pays sahéliens comme le Niger.

Bien que saluant les efforts entrepris par les pays ouest africains qui ont respecté leur engagement, ces experts de la société civile déplorent cependant un manque de rationalisation voire de ciblage des investissements financiers dédiés à l’agriculture.

« Même si le taux de 10% a été atteint il n’a pas permis de booster l’agriculture dans ces pays, ni de donner satisfaction aux acteurs de l’agriculture eux-mêmes, aujourd’hui on est en deçà des espérances, quant à la production, à l’équipement et aux infrastructures », souligne Moustapha Dia, représentant au Sénégal du réseau « Bilital Maroobe », qui regroupe des éleveurs et pasteurs d’Afrique.

Pour M. Dia, la répartition des ressources n’est pas adéquate, donnant le cas du Sénégal, il précise que « l’élevage constitue le parent pauvre, la part du budget de l’agriculture qui lui est alloué n’atteint pas 1% ».

« Si on prend l’exemple du Niger, qui a atteint les 10 % on se rend compte que 70% du budget de l’agriculture de ce pays provient de l’extérieur, ce n’est pas un modèle durable », a déploré Cheikh Omar Ba, Directeur exécutif Initiative et Prospective Agricole (Ipar, un think-tank basé à Dakar).

Evoquant lui aussi, le cas emblématique du Niger, Mamadou Alassane Ba estime que « l’agriculture ne doit pas dépendre de l’aide extérieure, c’est le budget national qui doit supporter les questions d’importance nationale ».

« Au Burkina Faso, la part du budget consacrée à l’agriculture baisse régulièrement depuis cinq ans mais surtout, plus de la moitié des dépenses du ministère de l’agriculture est dédiée à son fonctionnement », indique un document d’Oxfam, remis à la presse.

En Afrique de l’Ouest, on constate cependant une volonté de remettre l’agriculture au centre des priorités nationales. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) constitue la seule région du continent à mettre en application le programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) issu du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad).

A cet effet, chacun des quinze pays ouest africains dispose désormais de plans nationaux d’investissements agricoles (PNIA).

Ce qui fait dire à Eric Hazard que « tous les mécanismes sont là, maintenant il faut s’assurer que les politiques soient soutenues par des moyens forts et ambitieux, qui ne doivent être autre chose que les ressources qui sont disponibles dans les états ».

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