Sénégal : les deux DPG de Mahammed Dionne lues entre les lignes

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Sénégal : les deux DPG de Mahammed Dionne lues entre les lignes
Le Premier ministre sénégalais, Abdallah Dionne à l'Assemblée nationale. Photo/Ouestafnews

Ouestafnews – Le Premier ministre sénégalais Mahammed Boun Abdallah Dionne a fait devant l’Assemblée nationale, le 5 décembre 2017, sa déclaration de politique générale, soit la deuxième en l’espace de trois ans. Deux discours bien différents dont nous livrons ici une analyse comparée axée sur les promesses et les manquements concernant des secteurs clés que sont l’économie, l’éducation et la santé.

 

Education : 2019, fin des abris provisoires ?

Mahammed Boun Abdallah Dionne a ouvert son discours sur le secteur de l’éducation, alors qu’il l’avait effleuré lors de son premier discours en 2014.

Il entame ainsi son plaidoyer sur l’éducation avec un problème que traine ce secteur depuis bien des années à savoir la question des abris provisoires dont il annonce la fin.

«D’ici 2019, plus de 221,4 milliards de FCFA, en ressources additionnelles, seront consentis par l’Etat. Ce, pour l’élargissement des capacités d’accueil, l’extension de la carte éducative et l’amélioration des conditions de travail et d’apprentissage», annonce-t-il devant les députés.

Et de poursuivre, «cet investissement servira à la réalisation de 6369 salles de classe, et 4729 blocs administratifs, de 2 498 blocs d’hygiène, dans le cadre du programme national de résorption des abris provisoires dans les établissements d’enseignement élémentaire, moyen et secondaire général».

En ce qui concerne les «daaras modernes», un concept mis sur pied pour lutter contre la mendicité des talibés (élèves des écoles coraniques), tous les 64 daaras (écoles coraniques) ciblés seront livrés entre février et octobre 2018.

«Le curriculum de formation est en train d’être testé dans 10 daaras depuis 6 mois avec 18.731 enfants enrôlés», renseigne M. Dionne.

Quid des machines de radiothérapie ?

Lors de sa DPG de novembre 2014, Dionne soulignait que «dans le secteur de la santé, un  accent particulier sera mis sur  la fonctionnalité de la carte sanitaire et le renforcement de l’équité dans l’accès aux soins».

Trois ans après, il cite une batterie de réalisations avec notamment, «l’ouverture des hôpitaux de Diamniadio, Matam, Fatick, Dalal Jamm et Ziguinchor, de 10 nouveaux centres de santé dans les villes de l’intérieur…»

Mais force est de constater que les régions de Matam( Nord) et de Kolda (Sud) manquent fortement de médecins spécialisés eu égard à la promesse de fonctionnalité de la carte sanitaire et l’équité dans l’accès aux soins.

En 2014, M. Dionne avait promis un « relèvement du plateau technique », entre temps, la panne de l’unique appareil de radiothérapie du pays a beaucoup défrayé la chronique. Obligeant le ministère de la Santé à évacuer vers le Maroc quelques-uns parmi les nombreux malades du cancer.

Et les trois nouveaux appareils achetés depuis fin juin 2017 ne sont toujours pas  fonctionnels. Face aux députés, le Premier ministre n’a évoqué que brièvement ce sujet, soulignant sans détails supplémentaires que les nouveaux appareils de radiothérapies sont «en train d’être installés».

Pour les quatre prochaines années, le Premier ministre a promis la construction de 267 postes de santé, 22 centres de santé, 3 hôpitaux de niveau 2 à Kaffrine, Sédhiou, Kédougou, d’un hôpital de niveau 3 à Touba, d’un Centre national du cancer à Diamnadio et d’un centre de traitement des brûlés à l’hôpital de Fann.

Un «effort d’investissement» qui, promet M. Dionne, sera « combiné à un programme de renforcement des effectifs de personnels médical et paramédical».

Au niveau de la Couverture maladie universelle (CMU) lancé en 2012, le Premier ministre s’est félicité de l’enrôlement de 2,5 millions de personnes et a promis l’élargissement de ce programme aux écoles et aux daaras.

Rappelons qu’à travers la CMU, le gouvernement s’était fixé comme objectif d’enrôler au moins 75% des Sénégalais d’ici 2017. Notons qu’avant l’établissement de la CMU, seuls 20% de la population sénégalaise disposait d’une protection sociale.

Energie : la fausse note de Sendou

«La puissance installée exploitable du service public de l’électricité sera ainsi portée à 1018 MW en 2017 contre 587,44 MW actuellement, par le biais d’un mix énergétique incitant les prix à la baisse », déclarait Mahamad Dionne dans sa DPG de 2014.

Trois ans après, cet objectif a été entaché par le retard du projet très controversé de la centrale à charbon de Sendou (périphérie de Dakar) qui n’est pas encore fonctionnelle.

Donc, les 125 MW que Sendou devait injecter dans le réseau de la Société nationale d’électricité (Senelec) restent encore dans le domaine du virtuel. Prévue courant 2015, l’inauguration de cette centrale a été finalement annoncée pour fin 2017.

Concernant l’électrification rurale, Dionne a déclaré que  3783 villages ont été électrifiés entre 2012 et 2016, contre 1648 villages entre 1960 et 2012. Il a ensuite promis aux ruraux l’accès universel à l’électricité pour 2025. Le taux de couverture actuelle est de 33%.

Transport : l’heure du TER et du BRT

La déclaration de politique générale s’est faite au moment où le Conseil exécutif du transport urbain de Dakar (Cetud) organise les assises de la mobilité urbaine. Ce mardi, le Premier ministre a rappelé l’option du gouvernement de se réorienter vers le «transport de masse».

Cette politique, pour ce qui est du transport urbain plus particulièrement à Dakar, verra l’introduction des Bus Rapid Transit (BRT) pour un coût global de 267 milliards FCFA, selon le premier ministre.

Toutefois le site web du Cetud souligne que l’investissement total lié au BRT est de 247 milliards FCFA.

Ce moyen de transport de masse va, selon M. Dionne, assurer « la liaison du Sud au Nord de la ville de Dakar, et le transport de près 300.000 voyageurs par jour». Ce  projet de BRT piloté par le Cetud va démarrer en 2018 et les travaux vont durer deux ans.

Pour ce qui est du transport interurbain, l’innovation majeure reste le projet de Train Express Régional (TER). Le Premier ministre a dit qu’il constitue «le premier jalon d’un réseau ferroviaire interurbain appelé à s’étendre».

C’est un projet, au demeurant, controversé, car beaucoup jugent excessif son coût annoncé de 568 milliards FCFA. Le TER reliera les 55 kilomètres qui séparent la gare de Dakar au nouvel aéroport Blaise Diagne.

Laconique sur le zircon

La production de zircon sur la grande côte a atteint 62000 tonnes en 2016, a déclaré le Premier ministre. Il est exploité (non sans contestation des populations riveraines) en grande partie en Casamance (sud), par une société australienne.

Mais le silence régnait jusqu’ici autour de ce minerai.

Des organisations opposées au projet, notamment le Comité de lutte pacifique contre le projet d’exploitation du zircon en Casamance ont attiré l’attention sur les conséquences environnementales et sociales. De plus, elles ont demandé la publication de la convention minière entre l’Etat et l’exploitant australien.

Agriculture : l’autosuffisance en riz remise à plus tard

Mahammed Dionne a évoqué la production rizicole du Sénégal qui, selon lui a atteint, «1015 millions de tonnes en 2017 ».

Cependant, l’autosuffisance qu’il promettait en 2014 a complètement disparu de son lexique. Lors de sa première DPG en novembre 2014, il avait annoncé l’atteinte de l’autosuffisance en riz en 2017.

Il avait assuré que les initiatives en faveur de l’autosuffisance et de la diversification, «se traduiront par des impacts significatifs, en termes de réduction de nos importations [de riz], pour au moins 250 milliards FCFA, tandis que les filières d’exportation devraient rapporter plus de 150 milliards FCFA à l’horizon 2017».

Comme pour baliser la voie à son Premier ministre, Macky Sall a lui-même a admis que l’autosuffisance en riz « sera finalement atteinte en 2019 ». «J’avais annoncé l’année 2017 pour l’atteinte de l’autosuffisance en riz, mais avec la double culture nous allons y arriver vers fin 2018, début 2019», a soutenu Macky Sall, le lundi 4 décembre 2017.

Emploi : le clair-obscur

Dans sa déclaration de politique générale de novembre 2014, le Premier ministre avait relevé que «le sous-emploi touche plus de la moitié de la population active», affirmant que «46% des jeunes à la recherche d’emploi n’ont aucune formation».

Pour «changer de vision», selon lui, il faut «développer un programme d’investissement structurant d’envergure pour dynamiser tous les secteurs de l’économie et attirer des investisseurs directs étrangers dans des secteurs à fort potentiel d’exploitation et générateur d’emplois».

Trois ans après aucun bilan n’est fourni, au contraire M. Dionne s’en est encore limité à une promesse de mise en œuvre d’une «convention nationale Etat-employeurs de troisième génération [qui] sera finalisée pour permettre l’insertion de 2.000 demandeurs d’emploi».

«Afin de stimuler davantage l’éclosion des talents et la création d’emplois, des Centres d’initiative pour l’emploi et l’entreprenariat local (Ciel) ou missions locales seront créés au sein des départements pour contribuer à l’effort national de création d’emplois», a soutenu M. Dionne. Il s’est toutefois gardé d’énumérer le nombre d’emplois créés depuis sa première DPG.

MN-DD-ON-AC/ad 

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