Trois questions au Dr Boureiman Zongo : Au Burkina, « La cacophonie communicationnelle a engendré un déni du Covid-19 »

0
1900
Bouraïman Zongo, docteur en sociologie et enseignant chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo (Ouagadougou)/Photo : Ouestaf News.

Docteur en sociologie et enseignant chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo (Ouagadougou), Bouraïman Zongo a répondu aux questions d’Ouestaf News sur la perception de la pandémie par les Burkinabè. Pour le sociologue, par ailleurs coordinateur du Groupe de recherche Action sur des Dynamiques de changement (READY), les citoyens sont passés de la peur et de la psychose au déni, pour diverses raisons. Entretien.

Ouestafnews – Quelle est la perception sociale de la pandémie du Covid-19 au Burkina Faso ?

Boureiman Zongo – Il faut relier la perception à l’évolution-même de la pandémie. Quand elle est apparue en Chine, dans les discours on entendait que c’est une maladie des blancs. Au premier moment de la survenue de la pandémie au Burkina, il y a eu une sorte de folie autour qui a été doublé par la surmédiatisation du problème. Cette surmédiatisation a été accompagnée à la fois d’informations justes mais aussi de rumeurs, de fake news et de surinterprétation. Ce qui a occasionné, au début, une psychose.

Les gens avaient peur de contracter une maladie dont on n’a pas encore la solution. On la voyait comme quelque chose de très dangereux parce qu’on a vu les nombreux morts qu’il y a eu en Europe, en Asie et en Amérique. Au fur-et-à-mesure qu’on apprenait un peu plus sur la pandémie, les perceptions ont évolué.

Lire aussi : Burkina : le Covid-19 toujours là, la population se relâche

La voie d’entrée de la pandémie chez nous était celle des voyageurs. Donc on s’est dit que c’est une maladie de voyageurs. Ceux qui ne voyageaient pas ne se sentaient pas forcément concernés. Par la suite, quand on a vu son évolution, on a dit que c’est une maladie de politiciens, députés et ministres.

Progressivement, il y a eu un ensemble de cacophonie communicationnelle : des contradictions entre le CORUS (le Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires) et l’Etat (central), entre les déclarations de certains acteurs publiques qui sont censés gérer la question de l’information. Cela a donné une autre représentation de la maladie.

La population a eu l’impression que toutes ces contradictions traduisent une sorte de deal au sommet de l’État. Elle a développé, à un moment donné, le concept de chocolat virus. Il y a une sorte de suspicion vis-à-vis du gouvernement et des acteurs qui gèrent la crise et on pense qu’ils essaient d’utiliser la crise pour avoir du financement mais aussi en profiter pour des intérêts personnels.

Ouestafnews – Qu’est-ce qui peut expliquer la hausse continue de cas positifs alors au début on semblait maitriser la situation ?

B.Z – À un certain moment, l’Etat s’est dit que nous avons atteint un niveau assez satisfaisant par rapport aux risques de contamination donc il a levé une partie des mesures barrières. Il a rouvert les marchés, les écoles. C’est vrai que pour les marchés, il y a eu des revendications sociales qui ont poussé l’Etat à lever le pied.  Depuis le déclenchement de la pandémie, les gestes barrières n’ont pas été respectés. Il y a eu même, à un moment donné, une sorte de déni de la maladie.

Lire aussi : Mesures barrières contre le Covid-19 : les Maliens n’en ont cure…

Dans cette forme de déni, les uns et les autres disent qu’ils ne voient pas dans leur environnement quelqu’un qui est malade de coronavirus. En dehors de ce qu’on annonce à la télévision. Donc les gens ont levé les mesures barrières, individuellement et collectivement. Dans certains espaces publics, on a installé des dispositifs de lavage de mains avec du savon, du gel hydroalcoolique mais très peu de personnes s’y intéressent.

Ouestafnews – Comment analysez-vous la construction sociale de la riposte à la pandémie au Burkina Faso ?

B.Z – On peut considérer que d’abord qu’au niveau national, cette construction a commencé par le travail médiatique, donc la capacité des médias à parler du problème au public, à diffuser les informations liées à la question. Il y a eu des points de presse journaliers pour rendre compte de l’évolution de la pandémie et des décisions de l’Etat. Mais le travail des journalistes a été soumis à l’épreuve des réseaux sociaux numériques où on trouve à la fois de l’information professionnelle mais aussi de l’information profane qui met souvent en lumière un ensemble d’éléments qui ne sont pas forcément vrais, qui peuvent propager toutes sortes de rumeurs et fausses nouvelles.

Lire aussi : Covid-19 au Niger : baisse des contaminations, oubli des gestes barrières

Après les médias, l’Etat a pris la responsabilité de mettre en place un ensemble de dispositifs techniques de gestion de la pandémie. On a isolé pratiquement un hôpital pour prendre en charge les cas avérés de contamination. L’Etat a suggéré aussi que ceux qui sont suspectés ou qui sont déclarés soient confinés chez eux et a pris l’engagement de confiner ceux qui ont été testé positifs. Ça aussi, c’est un ensemble d’actions mais qui ont été construites avec l’idée qu’il vaut mieux anticiper la propagation de la pandémie que de la laisser se propager avant d’agir. On a vu aussi s’organiser une sorte de solidarité où certaines entreprises ont essayé d’apporter du soutien à l’État. Soit du matériel, soit de l’argent. L’Etat a essayé, au niveau, scientifique et technique de mettre en place des protocoles pour rassurer qu’il suit la question.

Gbs/fd/hts

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici